Le Danemark face aux deepfakes : vers un droit de l’image et de la voix renforcé ?

Publié le 8 août 2025 à 13:48

Introduction

Ces dernières années, les deepfakes se sont imposés comme l’une des menaces les plus préoccupantes de l’ère numérique. Capables d’imiter un visage ou une voix avec un réalisme saisissant, ces contenus synthétiques ne sont plus réservés aux milieux technologiques : ils touchent désormais des particuliers, parfois anonymes, dont l’image ou la voix est reproduite et diffusée sans leur accord.

Dans certains cas, des visages sont intégrés à des vidéos compromettantes ou à caractère sexuel, d’autres fois à des contenus politiques ou diffamatoires. Les victimes découvrent souvent ces détournements par hasard, alors que les images circulent déjà largement sur les réseaux ou les plateformes, rendant leur retrait complexe, voire impossible.

En Europe, le RGPD, la législation sur le droit d’auteur et le futur Règlement sur l’intelligence artificielle offrent déjà des protections, mais aucun texte ne vise spécifiquement la reproduction numérique non consentie de l’apparence ou de la voix d’une personne — particulièrement sur le plan post-mortem.

C’est dans ce contexte que le Danemark a choisi d’agir, en proposant un projet de loi qui introduirait un droit exclusif — proche du droit de propriété intellectuelle — sur l’image et la voix, y compris sous la forme d’une protection post-mortem.


1. Contexte et portée de la réforme

  • Objectif affiché : lutter efficacement contre les deepfakes en reconnaissant à toute personne, physique ou identifiable, un droit exclusif sur son corps, son visage et sa voix, avec une protection post-mortem.

  • Public visé : cette protection concerne autant les personnes privées que les personnalités publiques, sans distinction de notoriété, dans un souci d’universalité.

  • Conséquences pratiques : les personnes concernées — ou leurs ayants droit — pourront demander le retrait de contenus générés sans consentement, et engager des actions si ces contenus persistent en ligne.

  • Situations exclues : la loi ne s’appliquerait pas aux œuvres relevant de la satire ou de la parodie, ni aux créations artistiques ou autres expressions légitimes protégées par la liberté d’expression, tant qu’elles ne portent pas atteinte à la dignité ou à la réputation.


2. Fondements juridiques

Cette proposition s’appuie sur deux dynamiques :

  • Un volet préventif renforcé contre les usages frauduleux ou malveillants de l'IA dans la production de contenu visuel ou sonore.

  • Une extension juridique du droit de la personnalité — jusqu’ici peu couverte après le décès — par l’introduction d’une forme de protection post-mortem.


3. Enjeux et limites

  • Champ d’application : le texte semble vouloir encadrer tout usage numérique non autorisé, pas seulement les deepfakes, ce qui soulève des questions quant à la portée juridique exacte.

  • Interaction européenne : le gouvernement danois prévoit de promouvoir ce projet lors de sa présidence de l’UE.

  • Liberté d’expression : malgré les exclusions prévues, la frontière entre création légitime et atteinte à la personnalité pourrait rester délicate à tracer en pratique.


4. Perspectives

Cette initiative illustre comment un État membre peut proposer des solutions nationales pour répondre à des enjeux émergents liés à l’IA. Le Danemark fait ici figure de précurseur, et si cette approche s’avère efficace, elle pourrait inspirer à terme une harmonisation au niveau européen.


Conclusion

Le Danemark propose une réponse législative audacieuse aux défis posés par les deepfakes, en créant un droit voisin de la propriété intellectuelle sur l’image et la voix, avec une protection post-mortem. Ce projet, s’il démontre son efficacité, pourrait inspirer une future harmonisation du droit européen de la personnalité à l’ère numérique.